Spider-Man : New Generation (2018)

Rédigée par Vance le 17 juillet 2019

Jusque-là, le film de super-héros ultime existait dékà, mais il ne s’agissait pas d’une adaptation de franchise papier : les Indestructibles est tout simplement formidable, s’appuyant avec un soupçon de nostalgie sur l’aura ancestrale des premiers héros costumés tout en proposant une histoire moderne, percutante, drôle et pleine de rebondissements. Faut-il donc aller voir ailleurs que dans les séries dessinées et trouver sa propre voie pour créer quelque chose d’unique, qui plaise tant aux fans de la première heure qu’au nouveau public ? Sony et son département Animation ont la réponse : non, il suffit d’être malin, de croire en un projet porteur, de rassembler des talents et de trouver le ton juste. En fait, c’est loin d’être facile, et il est certain que la recette miracle n’existe pas.

Toujours est-il qu’ils ont réussi un coup stupéfiant avec Spider-Man : into the Spider-verse, une œuvre dynamique, jubilatoire, éblouissante, profondément respectueuse des codes et des histoires créées voici un demi-siècle, jouant intelligemment sur les clins d’œil aux lecteurs et amalgamant le tout dans un emballage de premier choix.

Honnêtement, en dehors de ceux qui sont réfractaires au monde de l’animation (il y en a, malheureusement), je ne vois pas comment on pourrait dédaigner cet hommage spectaculaire au héros co-créé par les regrettés Stan Lee et Steve Ditko. Se démarquant de la direction prise par le personnage dans le MCU (depuis que Sony a autorisé Marvel à l’exploiter à l’écran dans Spider-Man Homecoming et le prochain Far from home), Spider-Man : New Generation (on ne le dirait pas mais c’est la version française du titre original…) joue la carte de l’amalgame des versions en s’appuyant sur un multivers bien pratique, fusionnant d’abord la trame classique (Peter Parker, étudiant vivant chez sa tante May le jour, justicier arachnoïde la nuit) avec l’univers Ultimate (Miles Morales, jeune métis afro-latino, fils de flic) puis introduisant avec un évident plaisir d’autres avatars de notre Homme-Araignée préféré, dont une Spider-Girl et un… Spider-Cochon.

Ce gloubi-boulga était un pari risqué mais il prend corps avec une étonnante fluidité dans un script plutôt traditionnel mettant en avant les rites d’initiation et les responsabilités qui incombent à ceux dotés d’un pouvoir hors normes. Le mantra d’oncle Ben est bien présent, mais intelligemment esquivé tout au long de ces deux heures denses et intenses.

Tout commence chez nous. C'est-à-dire, notre univers à nous (celui qui les Marvelophiles connaissent sous le code de Terre-616), sauf que Miles y est aussi présent que Parker. Voyons un peu comment.

D’abord, on a droit à une géniale intro à la première personne réussissant en quelques secondes à nous résumer la vie et la carrière du super-héros aux lance-toiles : Peter Parker alias Spider-Man nous parle et se présente à nous, divulguant son secret, ses réussites et son exceptionnelle vigueur – car, sachez-le, l’Homme-Araignée tombe parfois, mais se relève toujours, quelle que soit l’adversité. Et ce soir-là, Spidey a fort à faire, faisant face à des ennemis mandatés par le tout-puissant Caïd : il veut absolument mettre fin au projet du chef de la pègre visant à ouvrir une faille dimensionnelle sous Manhattan dans le but de trouver dans un autre univers une version de sa femme et de son enfant, morts dans un accident alors qu’ils le fuyaient. Parker sait le risque encouru par un projet de cette envergure et il tente de le raisonner. Dans le même temps, Miles essaie de s’intégrer dans nouveau lycée mais son quartier populaire lui manque et ce n’est pas la nouvelle élève à la mèche séduisante qui lui mettra suffisamment de baume au cœur. Il va donc faire le mur afin de trouver du réconfort chez son oncle, un gars cool qui le laisse notamment développer ses talents de grapheur en lui trouvant des spots à la hauteur. Cette nuit, c’est dans une galerie désaffectée du métro qu’il s’en donne à cœur joie, mais c’est sans compter sur une araignée radioactive qui vient le piquer sans lui demander son reste.

Holà, me direz-vous, mais il va y avoir deux Spider-Men ? Mais non, vous répondrai-je, il y en aura bien davantage ! Car le Caïd réussira à lancer son accélérateur de particules, ce qui entraînera des dommages irréversibles à notre réalité, et une terrible tragédie dont Miles sera le témoin. C’est en partie sur lui que reposera le destin de notre univers : bien que débutant dans le monde des super-héros, il bénéficiera d’appuis de poids mais seront-ils suffisants devant l’acharnement du Caïd à nier la mort de ses proches ?

Avec un aplomb assez bluffant, Phil Lord (la Grande Aventure Lego) et Rodney Rothman (22 Jump Street) sont parvenus à marier leur humour et leur savoir-faire afin d’introduire avec sérieux des personnages totalement farfelus, tout en rendant les adversaires de Spidey inhabituellement impressionnants (mention spéciale au Rôdeur, d’une classe folle, très batmanien, immanquablement précédé d’une sorte de hurlement modulé). A ce sujet, préférez tout de même la VO incluant des comédiens comme Nicolas Cage, Liev Shreiber, Hailee Steinfeld, Chris Pine, Zoe Kravitz ou encore Mahershala Ali à une VF assez pauvre malgré l’abattage de Camélia Jordana. Si la musique de Pemberton n’a pas le côté percutant de son score sur le Roi Arthur, la Légende d’Excalibur, elle propose une piste joyeuse qui colle parfaitement à l’univers coloré et tourbillonnant mis en avant par la production. D’autant que l’animation offre des prises de vues étourdissantes avec des angles assez incroyables puisant dans les iconographies des super-héros de comics comme dans les mangas, misant énormément sur la coolitude du personnage qui virevolte entre les buildings tout en titillant la fibre nostalgique des vieux lecteurs de Strange.