Bumblebee (2018)

Written by Vance on July 17, 2019

Avec Bumblebee, la bande à Bay entame sa seconde décennie d’adaptation de la franchise de jouets Hasbro au cinéma. Qu’on exècre ou qu’on adore, qu’on apprécie l’un ou l’autre ou tous les films (voire aucun !) jusque lors tournés par Michael « Explosions ! » Bay et coproduits par Steven Spielberg, il faut admettre que la série offre suffisamment de garantie aux financiers participant à l’aventure pour qu’ils puissent se permettre non seulement d’en poursuivre la réalisation mais aussi et surtout d’en concevoir des spin-off, de manière non seulement à continuer de ponctuer la culture populaire mais également à donner d’autres angles d’approche à leur produit, une saveur différente, une orientation alternative tout en conservant l’esprit original et certaines figures imposées. Ainsi, si auparavant on fonctionnait sur des invariants devenus au fil des ans totalement caricaturaux (jeune héros un peu benêt/jolie fille qui n’a pas froid aux yeux/gros robots qui se foutent sur la gueule), cette fois, avec l’aide d’une nouvelle équipe artistique (dont le réalisateur du très remarqué film d’animation Kubo & l’armure magique), on modifie quelque peu les valeurs en tentant de toucher une nouvelle génération.

Pour les inconditionnels de la saga, Bumblebee peut faire figure d’origin story, centrée sur l’un des personnages les plus emblématiques : bizarrement, ni l’imposant et impressionnant Optimus Prime, leader des Autobots, ni le redoutable Megatron, chef incontesté des Decepticons, mais Bumblebee, le « petit frère » des Autobots, intrépide, respectueux de ses aînés et généreux. Alors que dans les films son mode véhicule était une Chevrolet Camaro, Travis Knight et ses collaborateurs ont décidé cette fois de revenir aux origines (la série animée) en le dotant d’une apparence de Volkswagen Coccinelle jaune. Cette optique a son importance puisque tout le film a été pensé en conséquence : l’histoire se déroulant dans les années 80, l’ambiance, les décors, les costumes, la mentalité même se devaient de coller à l’époque – une époque rentable actuellement, très tendance avec des séries à succès comme Stranger Things et des productions cinéma tentant de retrouver certaines des qualités des films d’action testostéronés et décomplexés de cette décennie. Le metteur en scène explique d’ailleurs qu’il n’a pas rechigné à utiliser d’antiques objectifs Panavision afin de conférer au film une texture vintage, avec une palette de couleurs moins clinquante que dans les métrages précédents, sans pour autant dédaigner la mise au point des effets spéciaux lors des confrontations de robots.

Le scénario décrit donc les tribulations de Bumblebee, d’abord engagé dans la résistance autobot aux côtés de son leader bien aimé, mais chargé in extremis de trouver refuge sur Terre afin d’y élaborer une tête de pont susceptible de redonner l’avantage à leur faction. Hélas, les choses ne se déroulent pas comme ils l’avaient prévu : à peine atterri, Bumblebee est pris à partie par les rescapés d’un commando et doit très vite trouver une solution de repli. Quelques temps plus tard, Charlie, jeune fille traînant sa déprime depuis la mort de son père, trouve cette mignonne Coccinelle dans une décharge et décide de la réparer. Imaginez sa surprise lorsqu’elle découvre que sa voiture cabossée est une entité extraterrestre réfugiée sur notre planète ! Malheureusement, Bumblebee a perdu l’usage de la parole dans son dernier combat et cela va être bien malaisé de communiquer avec les humains, d’autant que les Decepticons sont toujours sur ses traces…

La personnalité du jeune Autobot fait que les spectateurs ont moins de difficulté à s’identifier à lui : nul besoin donc de lui adjoindre un garçon débrouillard ni une bombasse en mini-short, d’autant que la cible visée semble manifestement être une tranche d’âge inférieure. Il s’agit ici d’une comédie d’action familiale véhiculant des valeurs traditionnelles : Charlie ne compte pas sur sa séduction pour s’en sortir, mais sur ce que lui a enseigné son défunt père, qu’elle adorait. Et même si la très prometteuse Hailee Steinfeld (qui éclaboussait l’écran dans True Grit) pourrait fort bien briller par ses appas, elle ne met en avant ici que sa gouaille, son tempérament et son ingéniosité, en parfait contrepoint aux bimbos du lycée à la cervelle de moineau. Changement de cap, donc, mais pas changement de ton et on ne fera pas dans la dentelle : les Decepticons sont des bad guys sadiques et retors, se jouant de la crédulité des forces armées américaines ; l’agent Burns, rescapé des combats ayant suivi l’arrivée de Bumblebee, est une grosse brute obtuse, parfaitement incarnée par le catcheur John Cena ; Bumblebee lui-même, en arrivant sur Terre, est devenu une petite chose timide et traumatisée, obéissant tel un petit chien aux injonctions de Charlie. Ajoutez-y une mère complètement à l’ouest, un petit frère en mode ninja, un beau-père illuminé et un voisin geek éperdu d’amour et vous aurez un magnifique tableau décadent d’une Amérique qu’on croyait disparue. Vous êtes prévenus.

Côté histoire, si la charnière centrale est désormais la relation tendrement complice entre l’Autobot fuyard et la fille rebelle, le reste se déroule sans queue ni tête, alignant les incongruités et les séquences spectaculaires, distillant quelques punchlines ringardes avec une pointe d’humour façon blockbuster récent sur une bande-son qui ravira les nostalgiques (Bumblebee ayant perdu son module de synthèse vocale, il s’exprime par le biais des chansons disponibles sur la bande FM). Pour peu qu’on fasse abstraction de nombreuses absurdités insérées dans le script, on pourra sourire devant la stupidité des dirigeants américains et la maladresse maladive du gentil Memo, le timide voisin opportuniste ; malgré son côté caricatural, Otis, le petit frère de Charlie, offre quelques séquences bien sympathiques grâce à l’abattage de son jeune interprète (Jason Drucker). Les poursuites et pugilats chromés parviennent par moments à hisser le film dans le top du cinéma d’action. Et si beaucoup d’enchaînements sont tirés par les cheveux, l’ensemble suit son cours avec une forme de décontraction tacite en un savant mélange de fun et de morale disneyenne.